28.2.18

Le président chinois pourra rester en poste indéfiniment


La fin de la limitation des mandats du président chinois marque peut-être le début d'un nouveau temps en Chine, aussi bien en interne que dans sa politique étrangère. Doit-on s'attendre à une politique plus agressive de la part du pouvoir central en Chine ? A une Chine plus « conquérante » et donc à plus de frictions avec les puissances occidentales ? Et si la contrepartie de cela était plus de convulsions internes ?
Philippe Alcoy

Il s’agit d’un changement important pour la Chine. Plus important que ce que l’on pourrait croire. Depuis les années 1980 le régime chinois avait instauré la limite de deux mandats de cinq ans pour ses présidents. Les transitions, comme signalé par beaucoup d’analystes internationaux, se passaient plutôt de façon « ordonnée ». Or, l’annonce dimanche dernier de la fin de cette limitation, ouvrant la possibilité pour que l’actuel président Xi Jinping assume un troisième mandat, voire plus, marque un tournant sur le plan national et international.

On pourrait se dire que de toute façon le régime chinois était déjà une dictature et que peu de choses changent. Mais en réalité cette manœuvre du pouvoir ouvre beaucoup d’interrogations, nationalement et internationalement. Certains analystes pensent que cette mesure répond à une montée de la contestation interne dans le parti de Xi Jinping ; ou en tout cas une mesure d’autoprotection. Ainsi, The Guardian affirme : « la décision de Xi de rester peut aussi être liée à l’auto-préservation. Il a purgé, humilié et emprisonné tant d’ennemis puissants que (…) il peut voir le pouvoir éternel comme le seul moyen d’empêcher un jour ses rivaux vengeurs de le condamner à un sort similaire ». 

Mais, sans que ce soit contradictoire avec cela, il est possible aussi que cette décision soit en train d’annoncer une nouvelle phase dans la politique chinoise. A l’intérieur avec plus de réformes qui toucheront sans aucun doute les travailleurs et les couches populaires, avec une plus grande pénétration de mécanismes de marché ; à l’extérieur cela pourrait se traduire par une politique étrangère plus agressive.

En effet, pour le moment la Chine a été surtout impliquée directement dans des frictions avec le Japon et avec les États-Unis dans la péninsule coréenne et notamment à propos des îles artificielles du Pacifique dans le Sud-Est asiatique. Cependant, à la différence de la Russie par exemple, elle s’est maintenue à la marge de conflits complexes et de première importance mondiale comme la guerre en Syrie. On peut imaginer qu’un plus grand contrôle du pouvoir à Pékin de la part de Xi Jinping annonce une politique plus « interventionniste » à l’étranger.

Au-delà de ces possibles changements dans la politique chinoise ce que l’on constate c’est le silence de la part des dirigeants occidentaux. En effet, un plus grand contrôle du pouvoir de la part du président s’inscrirait dans une tendance globale à une gouvernance plus autoritaire dont Poutine, Erdogan, mais aussi les gouvernements en Hongrie et en Pologne en seraient les principaux exemples. C’est ce qu’affirme, un peu amèrement, le New York Times : « il fut un temps, il n’y a pas si longtemps, où si un dirigeant chinois s’érigeait en dirigeant à vie cela aurait suscité une condamnation internationale, expliquant que cela allait contre la tendance mondiale vers une plus grande démocratie. Maintenant, une telle action semble pleinement en accord avec les mouvements de nombreux pays dans l’autre sens ».

Le même article signale que pour légitimer ce tournant (encore plus) autoritaire le régime chinois n’hésite pas à montrer les crises des « démocraties » dans les pays occidentaux : « Les médias officiels soulignent régulièrement la corruption et les échecs qu’ils voient dans les démocraties occidentales. "Pourquoi remettre en question le Parti Communiste si l’alternative est le chaos et la corruption ?", disent-ils  ».

Le fait est que ce tournant semble s’accompagner d’une plus grande répression contre les rares espaces de débat et de discussion au sein de la société chinoise et d’une plus grande personnification de la politique. Comme dit James Palmer de Foreign Policy, Xi Jinping semble être en train de faire passer le régime d’une « autocratie collective » à une « dictature unipersonnelle ».

Cependant, rien ne peut garantir que ce plus grand contrôle du pouvoir ne commence à créer des oppositions internes, dans les sommets du pouvoir mais aussi parmi la classe ouvrière et la jeunesse, comme lors du « mouvement des parapluies » à Hong Kong mais aussi comme plusieurs grèves ouvrières l’ont démontré ces dernières années.

Dans le contexte mondial on peut se demander si la fin de la limitation des mandats du président en Chine et la montée de la « gouvernance autoritaire » dans le monde, ne sont pas en train de donner (pratiquement) pour mort le discours selon lequel « démocratie libérale + économie de marché » étaient les « garanties du progrès ». Le capitalisme commence à montrer son vrai visage, antidémocratique, exploiteur et oppressif. L’époque des « crises, des guerres et des révolutions », comme la définissait Lénine il y a plus d’un siècle, est plus d’actualité que jamais. Actuellement, nous voyons surtout des poussées réactionnaires, qui amènent avec elles leurs guerres, passées et à venir. Mais face à ces contradictions profondes qui sont en train de s’ouvrir, il est certain que la montée de la réaction n’est pas la seule voie.

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