20.3.18

Kurdes de Syrie. Quelques pistes pour une politique de classe


7 ans jour pour jour après le début de la guerre civile en Syrie on assiste à une guerre essentiellement réactionnaire. Au milieu de cette catastrophe, la lutte du peuple kurde est la seule à présenter un objectif progressiste, malgré les errements de sa direction. Ici quelques pistes pour penser une politique de classe et révolutionnaire vis à vis de la situation en Syrie.
Philippe Alcoy

On assiste en Syrie à une guerre essentiellement réactionnaire. Elle a éclaté dans le cadre de la contre-révolution face au « printemps arabe » qui a traversé la région et implique de multiples acteurs régionaux et internationaux réactionnaires.

C’est dans ce cadre que la lutte pour l’auto-détermination des Kurdes de Syrie a pris de l’ampleur, notamment après la défense de Kobanê face à Daesh. La lutte des forces kurdes est la seule à présenter un objectif progressiste dans la guerre réactionnaire en Syrie. Mais avec l’évolution du conflit, la revendication d’une « Syrie démocratique et fédérale », en lien avec le « confédéralisme démocratique » qui a substitué le programme « marxiste-léniniste » historique du PKK, a gagné du poids face à la lutte pour l’auto-détermination kurde.

Les succès militaires et la modération du discours de la direction du mouvement kurde de Syrie, le PYD/PKK, lui ont permis d’obtenir le soutien de l’impérialisme US qui utilise les combattants kurdes contre Daesh et pour atteindre ses propres buts. Dans le passé, déjà, Washington a su instrumentaliser l’UCK kosovare contre la Serbie de Milosevic, avec les conséquences que l’on sait. A d’autres moments du conflit, et même aujourd’hui, les forces kurdes étaient aussi dans un accord de non-agression tacite avec le régime d’Assad.

Sans rentrer dans le débat sur les tactiques au cours d’une guerre, il est évident que ces compromis, même « tactiques », ont un coût politique qui se paiera au prix du renoncement au droit à l’auto-détermination kurde ainsi qu’à transformer, réellement, les rapports de propriété et de production au Kurdistan. Ce renoncement se traduit par le mot d’ordre d’une « Syrie démocratique et fédérale », sans remettre en cause l’Etat capitaliste syrien, ni même son contrôle par Assad. Pire encore, l’alliance avec les USA permet à l’impérialisme nord-américain de compter sur une position avancée en Syrie, ce qui constitue en fin de compte le principal danger contre le droit à l’auto-détermination de tous les peules de la région.

Or, c’est justement une ligne anti-impérialiste et de remise en cause de l’Etat capitaliste syrien qui pourrait constituer la base d’une politique de classe capable d’unifier la lutte du peuple kurde à celle des exploités et opprimés de toute la Syrie, voire de la région, et offrir une perspective progressiste face à toutes les options réactionnaires actuelles. Une politique défendant un programme mettant en avant la nationalisation, sans indemnité et sous gestion ouvrière, des principales industries du pays, notamment le pétrole, ainsi que l’imposition d’un plan de reconstruction dont les fonds soient financés, sans contrepartie ni dettes, par les pays qui ont participé à la destruction de la Syrie, à commencer par les USA, la Russie, la France, l’Iran et la Turquie mais aussi l’Arabie Saoudite, les monarchies du Golfe et Israël ; le retrait de toutes les armées étrangères, des puissances régionales, de la Russie et des impérialistes ; la lutte contre le régime d’Assad, pour un gouvernement de travailleurs, condition centrale pour garantir le droit à l’auto-détermination de tous les peuples de la région, avec la perspective des Etats Unis Socialistes du Moyen Orient.

Une victoire décisive des travailleurs et des masses en Syrie, pourrait poser les bases pour qu’une partie de la classe ouvrière israélienne commence à rompre avec le sionisme, condition indispensable pour la libération de la Palestine mais aussi pour la lutte contre l’impérialisme dans la région.

Il faut mettre le conflit syrien dans le contexte mondial de la lutte de classes. L’influence de la lutte de classes en Europe sur le Moyen Orient est directe. Le contraire est aussi vrai : une défaite des réactionnaires au Moyen Orient pourrait être une impulsion pour les exploités et opprimés dans les pays impérialistes.

Pour les révolutionnaires en France, en plus de faire connaitre la situation en Syrie, la meilleure façon d’aider la résistance c’est de lutter contre « notre » impérialisme et exiger le retrait immédiat de l’armée française du Moyen-Orient et l’arrêt des ventes d’armes aux régimes réactionnaires de la région ; exiger que le PKK soit retiré de la liste d’organisations terroristes ; exiger la libération d’Ocalan et de tous les prisonniers politiques des prisons françaises et européennes, des militants kurdes et pro-palestiniens comme Georges Ibrahim Abdallah ; exiger l’expropriation sous contrôle ouvrier de Lafarge, complice de Daesh, et que les fonds expropriés à ce groupe soient dédiés à la reconstruction de la Syrie ; exiger l’accueil dans des conditions décentes de tous les réfugiés et exilés. Cela ne passe, donc, ni par un soutien critique ou acritique, tour-à-tour, à l’Armée Syrienne Libre, aujourd’hui pion aux mains d’Erdogan, ou de la direction du PYD-PKK.

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