13.3.18

Macron en Inde. De nouveaux marchés pour le capital français à tout prix


En visite officielle en Inde, le président français a ressorti son sketch de « colon cool ». Cependant, l’objectif reste le même que ses prédécesseurs : décrocher des contrats de plusieurs milliards pour les multinationales françaises à tout prix, même en mettant en danger l’environnement et la vie de millions de personnes ou encore en attisant les frictions régionales afin de vendre des armes.
Philippe Alcoy

Emmanuel Macron a entamé une longue visite officielle en Inde (du 9 au 12 mars). Il n’y a eu que des gestes d’amitié avec les autorités indiennes. Les président a également rencontré des jeunes, comme au Burkina Faso au mois de novembre, avec qui il a répété le même numéro : apparaître comme un promoteur « cool » de l’individualisme, du faux penseur aux formules creuses, de la fausse irrévérence. Encore une mise en scène de la Com’ de l’Elysée. Et si de Com’ il s’agit, que dire de la visite « privée » dimanche au Taj Mahal du couple présidentiel. De quoi donner à manger à la presse people, fondamentale dans la propagande présidentielle.

Une visite calculée au détail près. Mais l’essentiel n’était pas là. Car comme Nicolas Sarkozy et François Hollande avant lui, Macron est venu en Inde parler affaires. Grosses affaires. « Le sens pour moi de ce déplacement, c’est de faire de l’Inde notre premier partenaire stratégique de la région », a martelé le président français.

Ce n’est pas une ambition nouvelle du patronat français. Depuis des années les entreprises françaises essayent de développer leurs affaires dans le marché indien, le deuxième pays le plus peuplé de la planète. Cependant, les relations entre la France et l’Inde sont pour le moment loin d’être celles du « premier partenaire de la région ». En effet, malgré des progrès dans les relations commerciales entre les deux pays, aussi bien la France que l’Inde restent des partenaires assez marginaux : l’Inde est le 18e client de la France et le 20e fournisseur ; alors que l’Elysée veut faire de la France « la porte d’entrée de l’Inde dans l’UE », elle n’ est que le quatrième partenaire commercial de New Dehli après l’Allemagne, la Grande Bretagne et la Belgique.

Cependant, malgré ces faiblesses des échanges entre les deux pays, Macron a réussi à signer plusieurs contrats avec l’Inde d’une somme de 13 milliards d’euros. Le principal bénéficiaire de l’assistance de l’Elysée a été cette fois l’entreprise Safran qui décroche un contrat de 12 milliards d’euros. Cette entreprise du secteur aéronautique, mais présente aussi dans la défense, fournira et assurera la maintenance des moteurs d’avion de la compagnie low-cost indienne Spicejet.

D’autres bénéficiaires du voyage présidentiel en Inde sont Alstom qui essayera de décrocher des contrats pour la construction de lignes de métro dans plusieurs villes du pays ; la SNCF qui espère être désignée pour la construction d’une ligne de train reliant Dehli à Chandigarh ; Suez, un autre « champion hexagonal » qui assurera l’approvisionnement d’eau potable dans une ville du Sud du pays.

Une centrale nucléaire à haut risque

Une mention spéciale est méritée par la négociation entre le gouvernement français et l’Inde pour l’achat de six réacteurs nucléaires de type EPR, fournis par EDF. Ce projet, qui est en pause depuis 2009, génère beaucoup de controverses car cette centrale nucléaire, qui serait la plus grande au monde, aurait des impacts négatifs sur les conditions de vie de la population locale et détruirait en grande partie la faune et la flore de la région. Mais le danger le plus important se trouve dans le fait que le lieu où l’on a planifié d’installer la centrale nucléaire, à Jaitapur, se trouve dans une zone sismique. D’ailleurs, cela lui a valu un accueil assez clair de la part de la population locale qui a manifesté, en portant des pancartes et banderoles où on pouvait lire « Macron go back ».

Mais pour Macron, « business is business ». Peu importe s’il a voulu axer son voyage sous le signe de la « défense de l’environnement » en annonçant l’inauguration d’une centrale d’énergie solaire, tout en se félicitant de l’avancement d’une centrale nucléaire à haut risque. Macron est en train d’anéantir tout un pan d’acquis sociaux des travailleurs et des classes populaires en France, avec un mépris de classe assez développé en prime. On ne peut pas lui demander non plus qu’il s’inquiète de l’environnement et des conditions de vie des populations en Inde.

A la recherche de nouveaux marchés, des capitalistes dépendants de l’État

Malgré toute la communication de l’équipe présidentielle et les discours sur les « ruptures », le voyage de Macron s’inscrit dans la continuité totale de la tradition du personnel politique de l’impérialisme français. C’est-à-dire l’intervention directe des présidents et ministres auprès des Etats et gouvernements « partenaires » pour aider les multinationales hexagonales à décrocher des contrats se chiffrant en milliards d’euros.

L’une des caractéristiques du capitalisme français c’est d’avoir développé de grandes entreprises, leaders mondiaux dans des secteurs en général gérés par les Etatsou de très grandes entreprises : infrastructure, armements, transports. C’est en ce sens que malgré les discours des néolibéraux sur la nécessité de réduire les interventions de l’Etat dans l’économie, pour ces multinationales françaises, l’intervention de l’Etat et des gouvernements est fondamentale.

En ce sens, l’Inde présente de très grandes opportunités pour ces entreprises. Il s’agit d’un pays dit « émergent » dont les besoin en infrastructures sont énormes. Le patronat français voudrait en outre diversifier le commerce avec l’Inde qui pour l’instant reste très centré sur l’industrie de l’armement.

Entretenir les tensions régionales pour bénéficier à l’impérialisme français 

Cependant, diversifier le commerce ne signifie aucunement pour le patronat hexagonal réduire l’importance de l’industrie de l’armement. Au contraire, l’une des priorités du voyage de Macron était que l’Inde commande plus d’avions de combat Rafale et de sous-marins, après les contrats signés en 2016.

Mais au-delà des éventuels profits de l’industrie de l’armement française, l’aspect militaire et géostratégique reste également central dans la visite de Macron à l’Inde. En effet, avec le Brexit, la France prétend récupérer le rôle de lien entre l’Inde et l’UE : « votre partenaire historique, traditionnel en Europe a toujours été le Royaume-Uni, et je veux que la France devienne le nouveau partenaire, le partenaire de référence du XXIe siècle », a déclaré Macron au magazine India Today.

Ainsi, la France et l’Inde ont aussi signé un accord pour que la marine indienne puisse utiliser les bases navales françaises de l’Océan Indien à Djibouti, Abu Dhabi et La Réunion. Le tout est justifié par la « menace » que représenterait l’influence grandissante de la Chine dans l’Asie du Sud et du Sud-est. « L’Inde a peur d’une hégémonie chinoise et a besoin d’une vraie sécurité », a expliqué Macron.

En effet, la France espère non seulement développer des liens économiques plus étroits avec l’Inde, elle veut aussi que l’Inde devienne une place forte de l’impérialisme français en Asie du Sud. Et pour cela le gouvernement français n’hésite pas à entretenir le nationalisme hindou et les sentiments anti-chinois promus par le gouvernement indien.

Dans un contexte de tension de plus en plus forte entre les principales puissances mondiales et où il y a des reconfigurations géopolitiques importantes au niveau international, l’impérialisme français cherche à forger une alliance militaire « préventive » dans l’Asie du Sud. En ce sens, le renforcement des liens entre Paris et Dehli est fondamental. Et pour cela Paris pourrait être prêt à toutes les manœuvres.

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