En
visite officielle en Inde, le président français a ressorti son sketch
de « colon cool ». Cependant, l’objectif reste le même que ses
prédécesseurs : décrocher des contrats de plusieurs milliards pour les
multinationales françaises à tout prix, même en mettant en danger
l’environnement et la vie de millions de personnes ou encore en attisant
les frictions régionales afin de vendre des armes.
Emmanuel Macron a entamé une longue visite officielle en Inde
(du 9 au 12 mars). Il n’y a eu que des gestes d’amitié avec les
autorités indiennes. Les président a également rencontré des jeunes,
comme au Burkina Faso au mois de novembre,
avec qui il a répété le même numéro : apparaître comme un promoteur
« cool » de l’individualisme, du faux penseur aux formules creuses, de
la fausse irrévérence. Encore une mise en scène de la Com’ de l’Elysée.
Et si de Com’ il s’agit, que dire de la visite « privée » dimanche au
Taj Mahal du couple présidentiel. De quoi donner à manger à la presse
people, fondamentale dans la propagande présidentielle.
Une visite calculée au détail près. Mais l’essentiel n’était pas là.
Car comme Nicolas Sarkozy et François Hollande avant lui, Macron est
venu en Inde parler affaires. Grosses affaires. « Le sens pour moi de ce déplacement, c’est de faire de l’Inde notre premier partenaire stratégique de la région », a martelé le président français.
Ce n’est pas une ambition nouvelle du patronat français. Depuis des
années les entreprises françaises essayent de développer leurs affaires
dans le marché indien, le deuxième pays le plus peuplé de la planète.
Cependant, les relations entre la France et l’Inde sont pour le moment
loin d’être celles du « premier partenaire de la région ». En effet,
malgré des progrès dans les relations commerciales entre les deux pays,
aussi bien la France que l’Inde restent des partenaires assez
marginaux : l’Inde est le 18e client de la France et le 20e
fournisseur ; alors que l’Elysée veut faire de la France « la porte
d’entrée de l’Inde dans l’UE », elle n’ est que le quatrième partenaire
commercial de New Dehli après l’Allemagne, la Grande Bretagne et la
Belgique.
Cependant, malgré ces faiblesses des échanges entre les deux pays,
Macron a réussi à signer plusieurs contrats avec l’Inde d’une somme de
13 milliards d’euros. Le principal bénéficiaire de l’assistance de
l’Elysée a été cette fois l’entreprise Safran qui décroche un contrat de
12 milliards d’euros. Cette entreprise du secteur aéronautique, mais
présente aussi dans la défense, fournira et assurera la maintenance des
moteurs d’avion de la compagnie low-cost indienne Spicejet.
D’autres bénéficiaires du voyage présidentiel en Inde sont Alstom qui
essayera de décrocher des contrats pour la construction de lignes de
métro dans plusieurs villes du pays ; la SNCF qui espère être désignée
pour la construction d’une ligne de train reliant Dehli à Chandigarh ;
Suez, un autre « champion hexagonal » qui assurera l’approvisionnement
d’eau potable dans une ville du Sud du pays.
Une centrale nucléaire à haut risque
Une mention spéciale est méritée par la négociation entre le
gouvernement français et l’Inde pour l’achat de six réacteurs nucléaires
de type EPR, fournis par EDF. Ce projet, qui est en pause depuis 2009,
génère beaucoup de controverses car cette centrale nucléaire, qui serait
la plus grande au monde, aurait des impacts négatifs sur les conditions
de vie de la population locale et détruirait en grande partie la faune
et la flore de la région. Mais le danger le plus important se trouve
dans le fait que le lieu où l’on a planifié d’installer la centrale
nucléaire, à Jaitapur, se trouve dans une zone sismique. D’ailleurs,
cela lui a valu un accueil assez clair de la part de la population
locale qui a manifesté, en portant des pancartes et banderoles où on
pouvait lire « Macron go back ».
Mais pour Macron, « business is business ». Peu importe s’il a voulu
axer son voyage sous le signe de la « défense de l’environnement » en
annonçant l’inauguration d’une centrale d’énergie solaire, tout en se
félicitant de l’avancement d’une centrale nucléaire à haut risque.
Macron est en train d’anéantir tout un pan d’acquis sociaux des
travailleurs et des classes populaires en France, avec un mépris de
classe assez développé en prime. On ne peut pas lui demander non plus
qu’il s’inquiète de l’environnement et des conditions de vie des
populations en Inde.
A la recherche de nouveaux marchés, des capitalistes dépendants de l’État
Malgré toute la communication de l’équipe présidentielle et les
discours sur les « ruptures », le voyage de Macron s’inscrit dans la
continuité totale de la tradition du personnel politique de
l’impérialisme français. C’est-à-dire l’intervention directe des
présidents et ministres auprès des Etats et gouvernements
« partenaires » pour aider les multinationales hexagonales à décrocher
des contrats se chiffrant en milliards d’euros.
L’une des caractéristiques du capitalisme français c’est d’avoir
développé de grandes entreprises, leaders mondiaux dans des secteurs en
général gérés par les Etatsou de très grandes entreprises :
infrastructure, armements, transports. C’est en ce sens que malgré les
discours des néolibéraux sur la nécessité de réduire les interventions
de l’Etat dans l’économie, pour ces multinationales françaises,
l’intervention de l’Etat et des gouvernements est fondamentale.
En ce sens, l’Inde présente de très grandes opportunités pour ces
entreprises. Il s’agit d’un pays dit « émergent » dont les besoin en
infrastructures sont énormes. Le patronat français voudrait en outre
diversifier le commerce avec l’Inde qui pour l’instant reste très centré
sur l’industrie de l’armement.
Entretenir les tensions régionales pour bénéficier à l’impérialisme français
Cependant, diversifier le commerce ne signifie aucunement pour le
patronat hexagonal réduire l’importance de l’industrie de l’armement. Au
contraire, l’une des priorités du voyage de Macron était que l’Inde
commande plus d’avions de combat Rafale et de sous-marins, après les contrats signés en 2016.
Mais au-delà des éventuels profits de l’industrie de l’armement
française, l’aspect militaire et géostratégique reste également central
dans la visite de Macron à l’Inde. En effet, avec le Brexit, la France
prétend récupérer le rôle de lien entre l’Inde et l’UE : « votre
partenaire historique, traditionnel en Europe a toujours été le
Royaume-Uni, et je veux que la France devienne le nouveau partenaire, le
partenaire de référence du XXIe siècle », a déclaré Macron au magazine India Today.
Ainsi, la France et l’Inde ont aussi signé un accord pour que la
marine indienne puisse utiliser les bases navales françaises de l’Océan
Indien à Djibouti, Abu Dhabi et La Réunion. Le tout est justifié par la
« menace » que représenterait l’influence grandissante de la Chine dans
l’Asie du Sud et du Sud-est. « L’Inde a peur d’une hégémonie chinoise et a besoin d’une vraie sécurité », a expliqué Macron.
En effet, la France espère non seulement développer des liens
économiques plus étroits avec l’Inde, elle veut aussi que l’Inde
devienne une place forte de l’impérialisme français en Asie du Sud. Et
pour cela le gouvernement français n’hésite pas à entretenir le
nationalisme hindou et les sentiments anti-chinois promus par le
gouvernement indien.
Dans un contexte de tension de plus en plus forte entre les
principales puissances mondiales et où il y a des reconfigurations
géopolitiques importantes au niveau international, l’impérialisme
français cherche à forger une alliance militaire « préventive » dans
l’Asie du Sud. En ce sens, le renforcement des liens entre Paris et
Dehli est fondamental. Et pour cela Paris pourrait être prêt à toutes
les manœuvres.
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